PÉNALE (PROCÉDURE)

PÉNALE (PROCÉDURE)
PÉNALE (PROCÉDURE)

La procédure pénale répond à la question de savoir quelles sont les circonstances de l’infraction, qui en est l’auteur et quelle peine est applicable à ce dernier. Le droit pénal définit la nature et les éléments des actes interdits, et leur peine; ce que les individus ne doivent pas faire et ce à quoi ils s’exposent. Droit du procès, la procédure pénale dit comment on les juge. De même que l’histoire du droit pénal illustre l’assimilation d’une vengeance privée par une justice publique, celle de la procédure pénale témoigne de la nécessité de tenir en équilibre l’intérêt privé de l’individu et celui, collectif, de l’État et de la société. L’individu demande tout autant la sanction de l’infraction dont il a été victime que la réparation du préjudice subi à cette occasion. L’État poursuit la violation de la règle et son auteur. Ainsi deux traditions, mêlées dans l’histoire, se distinguent: la procédure de type accusatoire, en droit anglo-saxon; la procédure de type inquisitoire, en pays de droit écrit (tradition romano-germanique). Dans la première, l’accusation est le fait des parties privées, quoiqu’un accusateur public (procureur de la Couronne) constitue un ministère public justifié par l’éventuelle défaillance des parties privées: à la différence de ces dernières, l’État n’abandonne pas, en principe, la poursuite des actes qui portent atteinte à l’ordre de la société. Le débat a lieu devant un juge qui est arbitre en ce qu’il ne participe pas aux poursuites ni à l’accusation. Dans l’esprit, cette procédure attache plus d’importance au caractère démocratique qu’au critère technique. Elle est publique et contradictoire, les parties demanderesse et défenderesse s’opposant, selon un statut d’égalité, devant le juge. La France a connu ce type de procédure durant la période féodale de la monarchie (dès les Carolingiens) jusqu’au XIVe siècle (naissance du ministère public). La procédure inquisitoire s’y est imposée avec la monarchie absolue, de François Ier, avec l’ordonnance de 1539 (instruction secrète pour tout le royaume), à Louis XIV avec celle de 1670 (refus de l’assistance d’un conseil à l’accusé). La procédure inquisitoire est une justice exercée par des juges de métier, fonctionnaires, mais dont le statut particulier garantit l’indépendance. L’office du juge est ici plus actif en raison de ses pouvoirs d’instruction. L’examen de l’action publique, de l’enquête et des règles du procès mais aussi la prééminence affirmée du droit corrigent toutefois l’opposition abstraite des deux traditions de procédure.

Aujourd’hui, le souci de rappeler ou de définir les règles fondamentales qui paraissent devoir régir le procès dans tous les États de droit apparaît solennellement avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, avec le Pacte international de New York sur les droits civils et politiques (1966) et, d’une façon générale, avec la recherche d’unité des conventions internationales, la jurisprudence des cours internationales européennes et celles – nationales – du contrôle de la constitutionnalité. On voit ainsi élaborés, déclarés, toujours recherchés les grands principes: la légalité (définitions précises des restrictions de la liberté, garde à vue, perquisitions, etc.), la garantie judiciaire (intervention nécessaire d’un juge pour tout acte relatif aux libertés individuelles; impartialité; collégialité), la proportionnalité (entre la peine et la défense de l’intérêt général), la présomption d’innocence (caractère exceptionnel de la privation de liberté, avertissement de l’accusé d’un droit au silence), le respect des droits de la défense (information des charges, discussion, présence d’un avocat), l’égalité entre les justiciables (conditions semblables de jugement), la dignité de la personne humaine (interdiction de tout traitement dégradant, notamment la torture, abolie en France par Louis XVI en 1780 et interdite par une ordonnance royale de 1788 toujours en vigueur), l’égalité des armes (pouvoirs identiques des parties), la durée de la procédure (délai raisonnable de jugement), l’accès de la victime à la justice pénale.

La procédure n’est donc pas un droit mineur de chicanes, et son élaboration est, d’une façon permanente, associée aux exigences des garanties qui entrent dans l’ordre de l’État de droit. Par ailleurs, la réflexion ne doit pas négliger l’aspect financier de ces garanties de droit dans l’esprit d’une politique judiciaire des États: la présence d’un avocat durant la garde à vue n’est pas sans lien avec la question de l’aide légale.

L’action publique et l’accusation

La procédure pénale commence, avant le procès en lui-même, par l’action de justice à laquelle l’infraction a donné naissance. L’action publique poursuit la répression de l’infraction et l’application de la peine. Elle est portée devant les juridictions pénales de l’ordre judiciaire (Crown Court, tribunal correctionnel, par exemple). L’action civile concerne celles des infractions qui, outre le trouble de l’ordre public, ont causé un préjudice particulier à une victime, et poursuit la réparation du préjudice, à la suite de l’action publique ou séparément. Elle peut être directement portée devant les juridictions civiles de l’ordre judiciaire (High Court, tribunal de grande instance).

L’organisation des poursuites

La question préalable à cet égard est celle de savoir qui exerce cette action, et contre qui.

Les poursuites peuvent appartenir à tout citoyen, victime ou non de l’infraction, dans le système accusatoire anglo-saxon, en vertu d’une dissociation entre l’action de poursuivre et celle de juger. Toutefois, l’institution d’un ministère public s’est imposée (Canada, Angleterre, États-Unis). Aux États-Unis, le procureur décide en opportunité, sur l’enquête de police, de poursuivre devant le juge ou le grand jury. En France, les poursuites sont confiées aux magistrats du parquet (conception inquisitoire). Les agents d’autres administrations interviennent avec une compétence spéciale (douanes, contributions indirectes, eaux et forêts, mais non pas la direction de la concurrence). Le ministère public y est maître de l’opportunité des poursuites par citation directe devant le tribunal ou par saisine, au moyen d’un réquisitoire introductif, d’un juge d’instruction. Il a le choix de les exercer ou non, de classer sans suite, alors que le principe de la légalité des poursuites rend celles-ci obligatoires dès qu’une infraction est commise (Italie, Allemagne). Dans le système français, on voit la possibilité d’éviter la répression en considération de l’acte ou de la personne (trouble peu grave; jeune délinquant primaire). Mais, à la différence d’un simple particulier, la victime peut à son tour déclencher l’action de façon obligatoire (constitution de partie civile). À l’inverse, le ministère public peut se voir interdire d’agir dans le cas d’une immunité de fond (vol entre parents) ou dans celui d’une action subordonnée à une plainte préalable de la victime (atteinte à la vie privée). En revanche, si la plainte de la victime n’est pas fondée sur l’une de ces dernières matières, le désistement du plaignant n’arrête pas les poursuites du ministère public. Enfin, l’action peut être intentée contre l’auteur, le coauteur et le complice – personnes physiques ou morales – mais non contre la personne civilement responsable (quoiqu’elle puisse être appelée), ni contre les héritiers. La prescription de l’infraction est de vingt ans pour les crimes, de cinq ans pour les délits, de deux ans pour les contraventions; celle des poursuites concernant ces infractions est respectivement de dix, trois et un an.

Toutes les législations n’admettent pas l’action civile de la victime devant la juridiction pénale. Elle n’est qu’un accessoire du procès qui est l’action de la société devant la juridiction pénale, méfiante à l’égard de ceux qui viennent «battre monnaie de leurs larmes». Parmi les législations qui l’acceptent, il en est qui limitent le taux de sa demande. Souvenons-nous de la loi salique qui fixait le wergeld («prix du sang», aujourd’hui: réparation du préjudice corporel) à 900 sols d’or pour le meurtre d’un évêque et à 30 sols pour un esclave, à 100 sols pour la main, l’œil ou le pied arraché, mais à 60 sols pour la main qui continue de pendre. En outre, l’existence d’un préjudice est nécessaire, ce qui n’est pas le cas pour une infraction certes constituée au regard de la répression, mais manquée par l’auteur (le voleur a laissé son butin par maladresse).

L’enquête de police judiciaire

La police désigne, dans le langage courant, les services de police. En un sens large, la signification comprend l’ensemble des règles dont l’autorité publique impose le respect au citoyen. Le droit administratif en donne le sens technique de l’intervention qui consiste à « imposer, en vue d’assurer l’ordre public, des limitations aux libertés des individus » (André de Laubadère); les services de police sont l’autorité qui l’exerce. Ils peuvent être nationaux (ou fédéraux) ou municipaux; leurs agents, des fonctionnaires municipaux, nationaux ou des particuliers élus. Les divers États connaissent les fonctions de police administrative, qui ont un rôle préventif de surveillance, avant l’infraction, et celles de la police judiciaire (P.J.), qui commencent à la recherche de celle-ci. La frontière n’est pas toujours aisée (contrôle d’identité).

En Angleterre comme aux États-Unis, la police judiciaire relève du seul pouvoir exécutif, et n’est pas sous l’autorité des magistrats. En France, elle est exercée sous la direction du procureur de la République et soumise au contrôle de la chambre d’accusation. Les officiers de police judiciaires (O.P.J.) sont énumérés par la loi (maires et adjoints, officiers et gradés de la gendarmerie, divers cadres de police; mais les pouvoirs de P.J. du préfet ont été supprimés en 1993). Les O.P.J. reçoivent les plaintes, procèdent aux enquêtes préliminaires, peuvent requérir le concours de la force publique, jouissent de pouvoirs spéciaux en cas de flagrant délit, rédigent des procès-verbaux, peuvent recevoir des commissions rogatoires, décident de la garde à vue, effectuent des contrôles d’identité.

Les règles des enquêtes sont différentes suivant que l’on se trouve dans le cadre d’une enquête préliminaire, ou devant une infraction flagrante (l’infraction vient d’être commise). Toute personne convoquée dans l’enquête préliminaire est tenue de comparaître et, à défaut, s’expose à être retenue. La mesure la plus importante au regard des libertés est la garde à vue. En France, elle peut être décidée par l’O.P.J. à l’encontre de toute personne (sauf le mineur de moins de treize ans) contre laquelle il existe des indices en faveur d’une infraction probable. La durée est de vingt-quatre heures, prolongée d’autant sur autorisation du procureur et après présentation préalable (non obligatoire, sauf pour les mineurs), et de quarante-huit heures en matière de terrorisme et de stupéfiants. La personne doit être informée de ses droits – aviser la famille, recevoir la visite d’un médecin, s’entretenir avec un avocat (en France, à partir de la vingtième heure depuis 1993), avec mention de toutes les demandes sur le procès-verbal. Les autres personnes ne peuvent pas être retenues au-delà du temps strictement nécessaire à leur audition. Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies sont soumises à l’exigence de l’assentiment écrit de la personne (sauf en matière de terrorisme, de proxénétisme ou de stupéfiants). La fouille à corps ne peut être imposée, mais seulement la palpation de sécurité (pour découvrir une arme). Ces opérations ne peuvent être menées que durant la «nuit pénale» (6 h-21 h). En vertu de la Convention européenne des droits de l’homme (art. 5-3), la garde à vue ne permet d’arrêter qu’une personne soupçonnée, et non pas un témoin, ce qui correspond au régime français (1993) durant l’enquête préliminaire.

L’enquête de flagrance est plus dure. Le temps «très voisin» de la commission de l’infraction – qui définit la flagrance – est étendu à vingt-sept heures (viol). La garde à vue concerne les personnes présentes sur les lieux ou susceptibles de fournir des renseignements. Mais les conditions d’information du procureur par l’O.P.J. sont immédiates à peine de nullité. Le consentement des intéressés lors des perquisitions n’est plus nécessaire. La visite des véhicules est possible en dehors des infractions de circulation.

Le contrôle d’identité est fait par la police judiciaire s’il existe un indice faisant présumer l’hypothèse ou la probabilité de l’infraction. À la suite des accords de Schengen (19 juin 1990), la présence d’un individu à moins de 20 kilomètres d’une frontière (d’un port, d’un aéroport, d’une gare, etc.) autorise son contrôle (titre de séjour). La police administrative procède à un contrôle préventif quel que soit le comportement de la personne. La rétention pour vérification d’identité – si la personne contrôlée ne peut justifier celle-ci – ne peut excéder quatre heures.

Trois degrés de contrôle visent ces opérations en France: hiérarchique, par les supérieurs des fonctionnaires de police et par le procureur de la République; disciplinaire et juridictionnel, par la chambre d’accusation (chambre de la cour d’appel); constitutionnel, par le Conseil constitutionnel. Ce dernier a statué sur la prohibition des détentions arbitraires, sur la protection de l’inviolabilité du domicile (en matière fiscale et douanière), sur le droit au respect de la vie privée, sur la liberté d’aller et venir (vérification d’identité et rétention dans les locaux de la police). Il y a aussi un contrôle juridictionnel possible au moyen des nullités de procédures. En France, l’instruction est obligatoire en matière criminelle et facultative en matière correctionnelle

L’instruction préparatoire

La nécessaire impartialité du juge justifie une distinction entre l’instruction et les poursuites. C’est pourquoi les différents types de procédure organisent une séparation des fonctions d’accusation, d’instruction et de jugement. L’étape est capitale: elle a pour objet la production de la preuve.

Le juge peut être considéré comme un arbitre devant lequel les parties apportent et discutent les moyens de preuves au nombre desquels figurent les témoignages (Royaume-Uni, États-Unis). Le juge en apprécie la pertinence. Aux États-Unis, il examine si les preuves fournies au jury sont de nature à fonder une décision de culpabilité. Ses pouvoirs dans l’administration de la preuve ne sont pas comparables à ceux du juge d’instruction, en France, dont le législateur a réduit puis rétabli les attributions (lois de 1993), dans le moment où le Royaume-Uni orientait sa recherche vers cette institution.

Les mesures d’investigation du juge d’instruction constituent le premier de ses pouvoirs. Les moyens de la police judiciaire sont à sa disposition dans le cadre de la commission rogatoire par laquelle il en prescrit l’exécution aux services de police (perquisitions, visites domiciliaires, etc.). Concernant leur étendue, il convient de remarquer que la garde à vue, dans ce cadre, n’est soumise à aucune restriction concernant la personne. Par ailleurs, le régime (domaine et application) des écoutes téléphoniques et, d’une façon générale, des «interceptions de communication par voie des télécommunications» par le juge a été strictement défini par la loi (10 juill. 1991). En outre, le juge d’instruction dispose d’un pouvoir juridictionnel et décide de la mise en examen (l’ancienne inculpation) et de la liberté de l’individu dont la responsabilité est recherchée, pendant la durée de l’instruction. Saisi par le ministère public ou par la victime, le juge décide la mise en examen s’il estime qu’«il existe à l’encontre d’une personne des indices graves et concordants faisant présumer qu’elle a participé aux faits» dont il est saisi. Le juge procède à un interrogatoire de première comparution et délivre, le cas échéant, un mandat (ordre) de comparaître, d’amener (placement en maison d’arrêt vingt-quatre heures au plus, avant l’interrogatoire) ou d’arrêt (conduite à la maison d’arrêt pour vingt-quatre heures au plus, et interrogatoire dans ce délai).

Il décide ensuite de laisser la personne mise en examen en liberté, de la placer sous contrôle judiciaire (caution; interdiction de quitter le territoire; obligation de présentation; obligations relatives à l’exercice professionnel), ou de la mettre en détention provisoire. La mise en détention constituant une difficulté évidente, le système français a hésité sur les conditions de celle-ci (décision individuelle ou collégiale? prise avec le juge d’instruction ou sans lui?). Le principe de l’habeas corpus anglais signifie que la situation de tout citoyen détenu doit être examinée par un juge afin qu’il apprécie l’opportunité de restrictions apportées à sa liberté. La procédure peut-elle être délaissée au motif que le pouvoir d’arrestation appartient à la police, et que celle-ci n’est pas soumise à l’autorité des magistrats? En France, le juge d’instruction délivre un mandat d’arrêt (si la personne est en liberté) ou de dépôt (si elle est déjà retenue dans une maison d’arrêt). La décision doit être motivée (continuation de l’activité illicite, disparition des indices, influence sur les témoins). Elle est soumise à l’ouverture d’une instruction et à des conditions relatives à la nature de l’incrimination (criminelle, correctionnelle), au quantum de la peine encourue (correctionnelle: égale ou supérieure à deux ans, ou à un an en cas de délit flagrant), à la personne (impossible pour les mineurs de moins de treize ans, et de moins de seize ans en matière correctionnelle). La décision est prise après une audience (débat contradictoire) à laquelle le prévenu est assisté d’un avocat, le ministère public étant par ailleurs entendu en ses réquisitions. La décision est susceptible d’appel devant la chambre d’accusation qui est une formation de la cour d’appel, et le second degré de juridiction de l’instruction. La durée de l’instruction est, en matière criminelle, de un an, prolongée après débat contradictoire. En matière correctionnelle, le délai ordinaire est de quatre mois, renouvelable pour quatre mois et dans la limite d’un an, sauf prolongations exceptionnelles pour quatre mois dans la limite de deux ans, si la peine encourue ne dépasse pas cinq ans.

Les irrégularités commises pendant l’instruction peuvent donner lieu à des sanctions disciplinaires, pénales (violation de domicile) ou à des dommages et intérêts dus par l’État, qui dispose d’un recours contre le juge en cas de faute personnelle. En dehors de ces circonstances exceptionnelles, la chambre d’accusation exerce un contrôle juridictionnel par les appels, notamment dirigés contre les ordonnances du juge en matière de détention, et un pouvoir propre de révision en matière d’information et de poursuite (mesures nouvelles), le contrôle sur le droit relevant de la Cour de cassation. Un contrôle a posteriori résulte du régime des nullités textuelles de la procédure (inobservation des règles sur les perquisitions, les vérifications d’identité, les écoutes téléphoniques de l’avocat). Enfin, il est possible de parler d’un contrôle de la légalité national et supra-national dans certaines matières. Ainsi, s’agissant du droit au respect de la vie privée, la Cour de cassation a d’abord jugé qu’il n’est pas admis de procéder à des écoutes dans le cadre de l’enquête préliminaire (13 juin 1989). La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que le droit français était insuffisant au regard de la Convention de sauvegarde (art. 8), à laquelle la Cour de cassation a souhaité répondre (15 mai 1990). Puis, une loi (10 juill. 1991) a illustré le principe de légalité en réglementant le domaine et la mise en œuvre des écoutes.

Le juge achève l’instruction par une ordonnance de règlement et la saisine du tribunal compétent, et par la transmission du dossier au procureur général par l’intermédiaire du procureur de la République en cas de crime. Il rend une ordonnance de non-lieu s’il estime que les faits ne constituent pas une infraction. À défaut d’avoir ordonné un supplément d’information, la chambre d’accusation, saisie de l’appel d’une ordonnance de règlement, rend un arrêt de non-lieu ou de renvoi devant le tribunal compétent ou devant la cour d’assises (crimes).

Le procès

La loi des 16-24 août 1790 proclamait les grands principes sur lesquels devaient, pour le législateur révolutionnaire français, être fondé l’ordre judiciaire. La séparation des pouvoirs : les fonctions judiciaires et administratives devaient être distinctes et séparées, avec la raison que l’«État échappe ainsi au contrôle du juge et reste compétent pour juger de ses propres excès ». L’égalité devant la justice , toute personne devant être jugée par les mêmes juridictions et selon les mêmes règles de procédure, sans la moindre discrimination. La gratuité de la justice : les plaideurs ne paient plus les juges, ce qui a pour conséquence de faire de ces derniers des serviteurs de l’État payés par lui (abolition du système des épices). Enfin, l’élection des magistrats par le peuple, qui répond également au principe de séparation des pouvoirs, des conditions étant exigées pour se présenter (cinq ans de pratique dans la magistrature ou au barreau). Ces principes des Lumières inspirent les institutions aux États-Unis, en France et en Angleterre.

L’organisation judiciaire

Les juridictions – leur degré, leur compétence – constituent un ordre correspondant à la gravité des infractions et de leurs peines. Le statut des magistrats repose sur de grands principes et des règles communes. Des auxiliaires de justice participent à la mise en œuvre de la procédure.

Les juridictions ont, en général, deux degrés. Celles de première instance, saisies suivant leur compétence, jugent l’affaire. En Angleterre, ce sont les Magistrates Courts, pour des délits mineurs, et la Crown Court statuant en première instance, pour des délits plus graves. Aux États-Unis, ce sont les District Courts, pour les infractions fédérales. En France, le tribunal de police est compétent pour les contraventions, le tribunal correctionnel pour les délits. Le second degré étant l’appel de la décision: il consiste à juger le jugement autant que l’affaire. Il est formé, en Angleterre, de la Crown Court statuant en appel des Magistrates Courts et de la Court of Appeal (Criminal Division), en appel des décisions de première instance de la Crown Court, et, aux États-Unis, des Courts of Appeal. En France, la cour d’appel connaît des recours dirigés contre les décisions du tribunal de police et du tribunal correctionnel; en matière de crimes, la seule juridiction est la cour d’assises, qui a le caractère très particulier de ne pas être permanente et d’associer trois juges professionnels aux neuf jurés composant le jury. Il existe, en outre, au degré national ou fédéral, une cour suprême, House of Lords en Angleterre, Cour de cassation en France, saisie des questions de droit.

Par ailleurs, des juridictions d’exception sont prévues pour connaître des crimes et délits que le législateur a voulu, en raison de leur caractère spécifique, soumettre à une procédure différente. Tel est le cas, en droit français, des juridictions pour mineurs, de la cour d’assises spéciale composée de sept juges professionnels sans jury (en matière de trafic de stupéfiants ou de terrorisme), des tribunaux aux armées (pour les armées hors du territoire de la République). Il existe aussi un juge de l’application des peines, chargé de suivre le détenu et de statuer sur les réductions de peine, les libérations conditionnelles, la semi-liberté et le placement à l’extérieur. Juridiction politique, la Haute Cour de justice est à part. Constituée de parlementaires, elle est compétente pour haute trahison du président de la République et, jusqu’en 1993, put connaître des crimes et délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. La Cour de justice de la République est alors devenue compétente en la matière pour éviter les éventuels obstacles émanant du Parlement. Enfin, des organismes juridictionnels à caractère pénal ont parfois été créés en dehors de l’ordre judiciaire. Tel est le cas, en France, de la Commission de la concurrence, sous le contrôle de la cour d’appel de Paris (1987), ou de la Commission des opérations de Bourse (1989).

Dans les pays qui appartiennent à l’Union européenne, la Cour de justice des Communautés européennes peut être saisie d’une question préjudicielle au jugement à résoudre avant celui-ci, si la contestation porte sur la validité ou l’interprétation du traité instituant la C.E.E. ou d’un règlement communautaire. Les conventions multilatérales comme la Convention européenne des droits de l’homme doivent d’abord être appliquées par le juge national, en interprétant en tant que de besoin, sous réserve de la jurisprudence ultérieure de la Cour européenne des droits de l’homme.

Les magistrats ne sont pas obligatoirement des juges de profession. Des délits mineurs sont jugés par les Justices of the Peace (juges de paix en Angleterre) qui siègent dans les Magistrates Courts. En France, s’il existe des juges qui ne sont pas magistrats de profession dans les juridictions commerciales ou sociales de première instance (tribunal de commerce, conseil de prud’hommes), tel n’est pas le cas en matière pénale, sauf pour le jury d’assises et le ministère public devant le tribunal de police (commissaire de police). Certains juges n’exercent pas à temps complet (Crown Courts; les membres du jury en cour d’assises) et peuvent même être élus (États-Unis; régimes de droit socialiste, où le système a été révisé). Mais le principe est celui du caractère professionnel des juges, qu’ils soient recrutés parmi les avocats (Angleterre, Canada) ou par concours (France). Ils siègent en collège (à trois au moins) malgré l’exception, assez fréquente, du juge unique. Des obligations fondamentales s’imposent à eux: l’impartialité; le secret des délibérations; le devoir de réserve. À cette fin, chaque pays définit les conditions d’un statut qui garantit leur indépendance à l’égard des pouvoirs exécutif et parlementaire. En France, ce statut est organisé par une loi spéciale. C’est en considération des conditions de l’exercice de la fonction judiciaire qu’ils sont protégés contre toute attaque, et que leur responsabilité est strictement définie, sans échapper à l’action du justiciable.

Des auxiliaires de justice sont sollicités. Ainsi, le magistrat désigne celui des experts qui paraît le plus utile à l’appréciation d’un élément technique (médical, balistique, etc.). L’enquêteur social est appelé à donner des éléments du dossier de personnalité. Les avocats, quant à eux, ont, en France, comme les solicitors et les barristers en Angleterre, un monopole de la plaidoirie. La défense pénale est l’une des activités de leur métier exercée à titre exclusif. Un nombre non négligeable de conventions et de décisions de justice internationales et européennes concernent aujourd’hui ce que l’on appelle les droits de la victime et les droits de la défense, c’est-à-dire toutes les garanties de droit dans les règles du procès auxquelles se trouve liée l’assistance d’un avocat parce qu’il s’agit pour l’intéressé de ses moyens d’expression, même lorsque celle-ci est revendiquée ou consacrée sous la catégorie du droit au silence. Rappelons, pour ce qui concerne le droit des pays socialistes, que le barreau d’U.R.S.S., supprimé après la révolution d’Octobre, avait été rétabli par une loi de 1979 sur l’Advokatura adoptée ensuite par chacune des républiques fédérées en 1980 et en 1981.

Les débats

Le terme de débats désigne, au sens technique, la procédure de l’audience.

L’audience a, en effet, pour premier caractère d’être publique. Cela signifie d’abord que le public peut y assister, sauf si le huis clos est prononcé. Tel est le cas si l’examen de l’infraction est de nature à troubler l’ordre ou les mœurs; il est de droit, sur la demande de la partie civile ou de ses représentants, dans les affaires de tortures et actes de barbarie accompagnés de violences sexuelles, de viol. L’utilisation d’appareils photographiques ou d’enregistrement est une deuxième restriction, quoique l’enregistrement exceptionnel soit possible aux fins de constitution d’archives (cf. en France le procès Barbie et la loi de 1985 modifiée par la loi de 1990). Celles-ci ne pourront être consultées qu’à des fins historiques ou scientifiques, pendant vingt ans. La reproduction des débats dans la presse, libre en son principe, à la condition d’être effectuée fidèlement et de bonne foi, est prohibée pour certains délits (diffamation, quand la preuve de la vérité n’est pas admise; avortement), pour les actes non encore lus à l’audience et pour des informations relatives aux affaires de mineurs.

Le second caractère est l’oralité des débats. La liberté de parole est de règle, et celle de l’avocat ne reçoit que des exceptions très strictes (le fait diffamatoire prononcé à l’audience et totalement étranger à la cause), afin que soit garantie la liberté de la défense. Tous s’expriment: accusé, victime ou ses représentants, témoins, experts. Les débats comportent un interrogatoire sur l’identité de l’accusé, un examen de ses éventuels antécédents (le casier judiciaire a été établi, en France, par une circulaire du 6 novembre 1850) et la discussion des divers éléments de preuve à charge (contre l’accusé) ou à décharge (pour l’accusé).

Cette discussion repose sur le principe du contradictoire que lord Eldon résumait en disant: «La découverte de la vérité est mieux servie par de vigoureuses déclarations des deux côtés de la question.» L’interrogatoire et le contre-interrogatoire (cross-examination ) menés par des avocats anglais est caractéristique du caractère contradictoire de la procédure en droit anglo-saxon. Si l’accusé plaide coupable, le jury n’est pas convoqué et le juge statue immédiatement. S’il plaide non coupable, l’accusation résume les faits, appelle ses témoins et les interroge, les laisse à la défense qui les interroge à son tour, les reprend pour conclure. Viennent ensuite les témoins à décharge. Enfin, les plaidoiries: accusation; défense. Le juge présente le résumé des éléments du dossier et des règles de preuve. Le jury se retire seul pour délibérer. En France, l’instruction est faite à nouveau à l’audience. Le président a un rôle important puisqu’il dirige les débats. Après l’interrogatoire de personnalité, et après avoir éventuellement soulevé, avant tout interrogatoire au fond, les nullités de la procédure, la discussion contradictoire est établie par l’intermédiaire du président sur tous les points qui sont soulevés devant le tribunal (ou la cour). Dans la pratique, les questions peuvent être directement posées par les avocats aux témoins ou aux experts, mais elles sont soumises au président, qui les répète à l’accusé, à la victime. Certains voient l’aspect autoritaire de cette prépondérance; d’autres, la modalité d’un contrôle et d’une protection de la personne interrogée. L’audience la plus solennelle est celle de la cour d’assises, composée de trois magistrats de profession et d’un jury de neuf jurés (ou de sept juges de profession sans jury pour la cour d’assises spéciale). À la suite des réquisitions du ministère public (avocat général en cour d’assises), les plaidoiries de la partie civile, puis de la défense, celle-ci toujours en dernier, conduisent l’audience à son terme, le jugement. Plaider coupable ou non coupable ne correspond pas, en droit français, à un régime procédural; c’est un choix de la défense, qui constitue un élément d’appréciation pour les magistrats et les jurés, sans qu’aucun droit ni garantie n’y soient toutefois attachés. Observons que la présence d’un conseil n’est, en France, pas obligatoire en correctionnelle, mais qu’elle l’est en cour d’assises, même si l’accusé récuse l’avocat désigné à cette fin par le bâtonnier de l’Ordre ou le président (il assiste alors à l’audience sans plaider). Le jugement est rendu. Est-ce fini? Non. Il reste les voies de recours.

Celles-ci sont instituées pour permettre aux parties de saisir un second juge des éventuelles erreurs de droit ou de fait entachant la première décision. C’est un droit auquel on ne peut renoncer. Les voies de recours, dont l’origine lointaine, en droit français, se retrouve dans les coutumes féodales, sont dites ordinaires pour l’opposition qui est dirigée contre un jugement rendu en l’absence de l’accusé; et pour l’appel qui est dirigé contre un jugement rendu dans le cadre d’un débat contradictoire. Il n’y a pas d’appel en matière criminelle, c’est-à-dire devant la cour d’assises, au motif qu’il s’agit d’une juridiction populaire. Les arrêts de cette cour peuvent faire l’objet d’un pourvoi – voie de recours extraordinaire – devant la Cour de cassation (chambre criminelle), qui ne juge pas à nouveau et ne constitue donc pas un degré d’appel, mais juge le droit, non le fait. L’appel et le pourvoi sont suspensifs de l’exécution en raison, notamment, du caractère irréversible des condamnations pénales. Les voies de recours sont soumises à des conditions de délai (appel: dix jours; pourvoi: cinq jours; et trois jours en matière de presse).

Les voies de recours épuisées, le jugement ou l’arrêt, qui avaient la force de chose jugée, ont désormais l’autorité de la chose jugée. Cela signifie que l’on ne peut pas poursuivre une seconde fois une personne accusée à raison du même fait; on ne peut refaire le procès. À la suite du pourvoi, il faut nommer, parmi les voies de recours extraordinaires, le recours en révision qui a pour fin de réparer les erreurs judiciaires (erreurs de fait). Pour cette raison, il permet d’attaquer, à la différence des autres voies de recours, une décision ayant l’autorité de la chose jugée. Cette dernière notion a des conséquences déterminantes sur le procès, tant au pénal qu’au civil: une ordonnance ou un arrêt de non-lieu motivés en droit ont l’autorité de la chose jugée et rendent en principe de nouvelles poursuites impossibles; le jugement criminel s’impose au juge civil saisi de l’action civile.

Il existe des juridictions allégées et des procédures simplifiées. Des magistrats jugent à juge unique par statut: le juge du tribunal de police, le juge d’instruction, le juge des enfants; d’autres formations, collégiales par nature, sont souvent allégées pour des raisons qui relèvent de l’organisation purement administrative: c’est le cas devant le tribunal correctionnel (Belgique; France, en matière de chèque, d’infraction routière). En France, le principe de l’égalité des justiciables a été opposé à cette réduction (Conseil constitutionnel, 23 juill. 1975).

En outre, des procédures accélérées ou simplifiées sont mises en œuvre pour répondre aux exigences purement quantitatives du traitement des affaires pénales et aux difficultés des choix budgétaires. Le juge du tribunal de police statue, sans audience et par ordonnance pénale, sur des contraventions. Le principe de l’amende forfaitaire fait l’économie non seulement de l’audience mais aussi de la juridiction de jugement, qui n’est pas saisie. La définition des domaines respectifs du droit pénal et de la procédure pénale, d’une part, de la réglementation administrative, d’autre part, est l’une des questions qui intéressent la réflexion sur les principes qui assurent la protection des libertés.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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